Thématique essentielle de toute réflexion sur le suicide, la crise suicidaire a fait et fait encore l’objet de nombreuses études. Sa connaissance, sa reconnaissance par tout intervenant en la matière est indispensable afin de prévenir le passage à l’acte suicidaire. La crise suicidaire est toujours sous-jacente à une conduite suicidaire et peut être son aboutissement.
1. Un processus angoissant
Vivre des moments de crise fait partie du développement habituel et normal de l’être humain. C’est ce qui lui permet de grandir, de faire des choix de vie importants.
Si toute crise existentielle ne débouche pas sur le suicide, un individu, dans ces moments particuliers de remise en question, d’incertitude et de doutes sur soi-même et sur les autres, peut se retrouver enfermé dans un processus tellement angoissant que le suicide peut apparaître comme le moyen de mettre fin à un état devenu insupportable.
2. Un évènement déclenchant
Sur ce terrain prédisposant, un événement touchant émotionnellement la personne deviendra élément déclenchant la crise suicidaire.
L’apparition de l’événement déclenchant entraîne chez le sujet un état de tension qui le met en alerte et le prépare à la recherche d’une solution. Cette mise en alerte relève d’un mécanisme d’adaptation habituel et nullement pathologique.
3. Le stade de l’idéation
L’idéation suicidaire n’est pas généralement prépondérante dans un premier temps. Le suicide apparaît comme une solution parmi d’autres. C’est le stade de l’idéation : l’idée du suicide se présente, peut se dire. A ce stade, il est bien sûr plus difficile de l’entendre, car la personne elle-même dispose encore d’autres solutions et peut ainsi soit résoudre son problème d’une autre manière, soit donner l’impression que cette idée n’est somme toute pas si sérieuse que cela.
Un échec de la tentative d’intégration de l’événement traumatique, c’est à dire un échec de toute réponse ou de tout essai de solution augmente la tension du sujet et l’amène à un stade de perturbation émotionnelle. A ce moment, le faisceau des solutions possibles se rétrécit, le sentiment d’échec devient plus prégnant, l’idéation suicidaire devient rumination, laquelle occupe (littéralement) de plus en plus massivement le champ psychique de la personne.
4. La cristallisation
Cet état de perturbation émotionnelle, avec anxiété, angoisse, fige le sujet dans une impossibilité de réagir ou même d’agir. Ce trouble émotionnel renforce l’idée du suicide comme solution. Comme si le sujet, se vivant agressé de toutes parts, à l’intérieur comme à l’extérieur de lui-même, ne pouvait qu’agir avec et contre lui-même.
Les mots ne suffisent plus, toute discussion rationnelle ou logique est vouée à l’échec. C’est le sujet tout entier, corps et âme, qui est saisi par l’angoisse.
C’est la « cristallisation », la rumination est devenue un point fixe, une idée « fixée ».
Si à ce moment rien ne se passe, la tension est portée à son maximum et trouve à se libérer dans le passage à l’acte suicidaire.