Étymologiquement, l’adolescent est « celui qui est en train de grandir » et qui commence à prendre la parole, par opposition à l’enfant, (« l’’infans »), « celui qui ne parle pas », et à l’adulte (« adultus »), qui est « celui qui a cessé de grandir ».
L’adolescence est une période de métamorphose, basée sur un processus psycho-somatique complexe. La puberté vient bousculer l’enfant dans son rapport à lui-même, tout comme dans son lien à l’autre. Ces changements font de l’adolescence une véritable période de vulnérabilité. On définit la vulnérabilité psychologique comme « une forme de fragilité, une moindre capacité de résistance à un événement, une plus grande sensibilité à l’adversité » (Dictionnaire de psychologie, 2001, p. 755). La vulnérabilité chez une même personne peut être durable (incapacité, infirmité…) ou passagère et varier au cours de sa vie (lors d’une grossesse, d’un changement important, après une épreuve…).
La période de l’adolescence est au cœur de nombreuses transformations.
Biologiquement, la croissance, les modifications hormonales et la maturation sexuelle vont venir remodeler le corps de l’adolescent. Il vit également une transformation cérébrale, avec des changements structurels et fonctionnels du cerveau, qui ne s’achèvera qu’à l’âge adulte. Le cortex pré-frontal, impliqué dans la prise de décision, la planification, l’inhibition des actions et dans les relations sociales est encore en développement, alors que la zone du cerveau qui gère les émotions, le système limbique, se développe très vite. La prise de risque caractéristique de cette période de vie, excite le circuit de la récompense (système limbique), qui n’est pas inhibé par le cortex pré-frontal et provoque parfois des mises en danger de l’adolescent.
D’un autre côté, la quantité de matière grise dans le cerveau augmente jusqu’à 12 ans puis diminue, pour trier les connexions neuronales (synapses), afin de garder les plus utiles et de les consolider, ce qui est indispensable pour faire de la place aux nouveaux apprentissages. Le volume de matière blanche, elle, augmente. La myélinisation des neurones permet d’accélérer la vitesse de transmission des informations, et donc, de réfléchir plus rapidement et plus efficacement.
Cognitivement, les capacité métacognitives et communicationnelles de l’adolescent, lui permettent de voir le monde autrement et de réajuster ses relations interpersonnelles.
Psychiquement, les enjeux de cet âge sont multiples : réappropriation d’un nouveau corps, relations aux autres, autonomisation vis-à-vis des adultes, questionnement de l’existence, place dans la société… une véritable quête identitaire.
La fameuse « crise d’adolescence », qui, jusque dans les années 70 était synonyme de tempête, de tension et d’affrontement, est aujourd’hui reconnue comme une crise identitaire synonyme de quête d’autonomie, d’émancipation et d’affirmation de soi. Elle se définit comme l’ensemble des troubles (sautes d’humeur, attitudes de défi, opposition aux parents, comportements excessifs…) pouvant se produire durant la phase de transition entre l’enfance et l’âge adulte.
Les conduites à risque peuvent être, elles aussi, une façon de s’affirmer, de découvrir ses propres limites et de se confronter à la valeur de l’existence. Par définition, les conduites à risque « impliquent une exposition délibérée au risque de se blesser, de mourir, d’altérer son avenir, de mettre sa santé en péril » (D. Le Breton). L’immaturité du cortex pré-frontal des adolescents ne leur permet pas d’inhiber les comportements de mise en danger dont ils font parfois preuve. Parmi ces comportements, on peut par exemple retrouver des conduites d’alcoolisation massive (binge-drinking) et consommations répétées de produits psychoactifs (tabac, alcool, cannabis…), des fugues, des actes de délinquance, des rapports sexuels non-protégés, des comportements dangereux sur la route, des atteintes au corps par des pratiques agressives (abrasions, scarifications), des troubles alimentaires ou des tentatives de suicide. Les garçons ont plus souvent recours à des actes violents et transgressifs, tandis que les filles s’attaquent plus directement à leur corps. Toute la question est de savoir où se situe la frontière entre comportements normaux, typique de cette période de vie, dans la mesure où l’adolescence est l’âge des expériences et des défis, et comportements qui témoignent d’un malaise ou d’une plus grande souffrance. Une conduite à risque qui se répète est souvent un appel lancé aux adultes et il faut y être vigilant.
Selon l’Unicef, en 2016, 43% des adolescents sont en situation de souffrance psychologique.
La période de fragilité que constitue l’adolescence est propice au développement de troubles psychologiques, comme les états dépressifs, anxieux ou les troubles alimentaires. Mais le mal-être qui peut parfois aller jusqu’aux tentatives de suicide, peut aussi être une réponse à un deuil ou un harcèlement scolaire, par exemple. Selon l’Inserm (2017), le suicide est la deuxième cause de mortalité des 15-25 ans dans le monde, derrière les accidents de la route. En France, un jeune sur douze fait une tentative de suicide avant ses 25 ans. Une tentative de suicide chez un adolescent n’est jamais une conduite anodine à mettre sur le compte d’une « crise d’adolescence ».
À travers le suicide, il est bien question de mort, de souffrance, de revendication existentielle et d’aspiration à l’apaisement durable des tensions. La crise suicidaire dure en moyenne entre 6 et 8 semaines, depuis l’apparition des premières idées suicidaires jusqu’à leur disparition totale, mais peut néanmoins être raccourcie en cas d’intervention extérieure efficace. La crise suicidaire suit principalement le même schéma :
⬝ La personne est submergée par les émotions, ce qui provoque un épuisement des ressources cognitives et elle n’arrive plus à trouver des solutions à ses difficultés (impasse).
⬝ La perception de la réalité est embrouillée, la perte d’estime de soi s’installe et la personne envisage par moments le suicide comme une des solutions (idées suicidaires).
⬝ L’angoisse s’accompagne d’une focalisation permanente de la pensée sur le suicide comme dernière ressource (rumination).
⬝ Malgré une ambivalence constante, le scénario du suicide s’impose à la personne. La décision prise donne un répit qui peut se traduire par une amélioration passagère de son état psychique (cristallisation).
⬝ Un élément en apparence parfois banal fait basculer dans l’action (l’acte).
Toutefois, à l’adolescence, l’état de crise suicidaire peut s’avérer plus complexe à repérer. On retrouve, en effet, une sous-estimation de l’importance de ces facteurs chez l’adolescent, en partie liée au caractère plus ou moins masqué ou considéré comme « normal » de la dépression à cet âge. La crise psychique peut s’exprimer par un changement brutal de comportement, un infléchissement des résultats scolaires, des conduites excessives et déviantes, une hyperactivité, une attirance pour la marginalité, des conduites à risques, des troubles alimentaires comme l’anorexie et la boulimie, une violence sur soi et sur autrui ou des fugues, qui ne doivent pas être prises à la légère. L’adolescence est une période de particulière vulnérabilité à laquelle peut se surajouter l’isolement affectif, les ruptures sentimentales et les échecs, notamment scolaires et les conflits d’autorité. Bien qu’il est commun de considérer que l’adolescence est une période difficile pour tout le monde et propice aux idées suicidaires, ceci conduit à banaliser la souffrance des jeunes et à passer à côté d’une intervention efficace. Selon une enquête réalisée par IPSOS pour la Fondation Pierre Deniker en 2016, 95% des jeunes seraient globalement heureux et intéressés par la vie.
Il est donc important de prendre au sérieux la parole de tous les adolescents qui expriment des idées suicidaires et de leur apporter une réponse réactive et adaptée. Les premières attitudes recommandées sont les suivantes : une écoute active et un questionnement direct consistant à demander à l’adolescent s’il a des idées suicidaires, sachant que cela n’induit pas de telles idées ou même un passage à l’acte. Il est également important de créer un climat d’empathie avec le jeune, pour permettre son accompagnement vers les professionnels de santé spécialisés.
➜ Pour savoir comment réagir face à un adolescent en souffrance, n’hésitez pas à consulter notre article sur la prévention du suicide des adolescents.